Chapitre 1 :
Je m’appelle Goboshi et je viens de tuer un lapin-cornu. Le goût de ces créatures est délicieux, je vais en chasser d’autres pour le reste de la tribu. Il n’est pas difficile d’en trouver, la forêt en abrite des tas, en voilà justement un. Je m’approche sans faire le moindre bruit, mon corps se confond avec le feuillage puis ma lame avec son pelage.
Celui-là sera pour mon petit frère; bientôt il pourra en ramener lui-même, il est encore jeune mais je l’ai vu me suivre hier, il doit être pressé d’agir comme les autres membres de la communauté. Demain devrait être le grand jour, je l’accompagnerai, nous ne sommes pas futés par nature, sans partenaire expérimenté il risquerait de finir empalé en chargeant tête baissée ou pire, de dépasser les limites. C’est parce que nous les connaissons et les respectons que nous perdurons, au-delà il n’y a que la souffrance pour accueillir les gens de notre espèce. Et pas que la nôtre.
Je rentre. Tout le monde est bruyant et agité, on ne m’a pas prévenu concernant une quelconque fête. Il y a de nombreux invités aux teints pâles ils sont cependant en pleine forme, surtout un qui rit à tue-tête. Ce n’est pas mon cas, je vais aller me reposer au fond de la caverne. Personne ne m’interpelle en cours de route, ils sont bien trop occupés. Je tousse, je ne suis pas le seul, les maladies se transmettent vite dans ce genre de lieu de vie. Mon visage dégouline et pas que. Il fait chaud, très chaud et pourtant je tremble. Au toucher je constate que ce n’est pas de la fièvre, cela devrait s’arranger, les nuages sont sombres et si gros qu’ils plongent dans la grotte. La pluie ne devrait tarder bien que les rayons du soleil sortent de tous les cotés et semblent s’étendre. Je rejoins Gobi, lui aussi a le visage humide, il se tient auprès de mère qui dort à même le sol comme d’autres, le dortoir est pourtant plus loin, les gens roupillent n’importe où.
Une inconnue nous a aperçu et se dirige vers nous, son chapeau est ridicule, elle a cru à un bal costumé ? Cela expliquerait ses camarades aux vêtements métalliques et leurs grands instruments. Elle a fait un léger mouvement avec son étrange bâton avant de se raviser et de me toucher l’épaule.
« Couchez-vous et ne faites pas de bruit ! »
J’ai eu du mal à l’entendre, sa cape couvrait sa bouche ainsi que son nez mais j’ai parfaitement saisi son regard avant qu’elle ne se retourne. Un mélange de compassion et de pitié. Après tout ça ? Pour qui se prend-elle ? Je saute dans son dos et lui pose un couteau sous la peau.
Je m’appelle Goboshi et je viens de tuer un humain. Uniquement par dégoût, sa dépouille n’est qu’une de plus parmi les restes de ma tribu. Il n’est pas difficile d’en trouver, au-delà de la forêt y habitent des tonnes, en voilà justement un. Je m’accroche à la vie sans faire le moindre bruit, mon coeur se morfond mais je reste caché pour mes larmes devenues rage.